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On ne parle que d’eux : les capteurs CO2, prévus pour donner une indication du renouvellement de l’air dans une pièce, toutefois cette notion reste encore mal interprétée. Découvrez concrètement dans cet article comment le CO2 Dioxyde de carbone évolue dans une pièce spécifique : un dortoir d’un espace d’accueil de la petite enfance ou d’une école maternelle.
En effet, cette pièce a un comportement assez spécifique puisqu’elle va regrouper pendant quelques heures par jour un certain nombre d’enfants dans un espace souvent restreint dans lequel il n’est pas possible d’aérer durant la sieste.
Si l’on s’en tient aux recommandations de 800 ppm indiqués par le Haut Conseil de la Santé Publique, nous verrons que ce seuil à partir duquel il est vivement conseillé d’aérer peut paraitre utopique dans de très nombreux cas.
Les exemples de cet article sont issus de nos propres mesures effectuées dans le cadre d’audit de la qualité de l’air intérieur dans des Etablissements Recevant du Public sensible.
Dans un premier temps, il est nécessaire de savoir que la principale source de CO2 est naturelle : il s'agit de la respiration. Le processus de formation du Dioxyde de Carbone CO2 par la respiration se déroule, de manière simplifiée, en 3 étapes :
Dans des environnements intérieurs, le taux / concentration de CO2 fournit une indication du niveau de confinement de l’air. Ce niveau de confinement est totalement lié à l’occupation humaine et au renouvellement de l’air dans les pièces.
Pour mieux appréhender cette notion de confinement, il est nécéssaire de comprendre les aspects suivants :
Et
Assurer une atmosphère intérieure saine et confortable pour les occupants requiert une ventilation et une aération efficaces. Un renouvellement d'air adéquat dans une pièce, avec le respect des normes d'occupation, permet de minimiser le confinement de l'air, réduisant ainsi les risques potentiels d'accumulation de CO2, de polluants et de contaminants aériens.
En conclusion : Taux de CO2 = respiration = indicateur de renouvellement d’air.
Dans un dortoir, l’évolution de la concentration en CO2 va dépendre de plusieurs paramètres. Le nombre d’enfants présents simultanément dans la pièce, la présence ou non d’un système de ventilation, son bon fonctionnement et son dimensionnement. Ces facteurs vont faire varier l’évolution de la concentration en CO2.
Voici deux exemples illustrant l’évolution du CO2 dans 2 dortoirs, l’un équipé d’une VMC (Ventilation Mécanique Contrôlée) et l’autre non. Le taux d’occupation des deux dortoirs et la dimension des pièces sont quasi similaires.
La courbe ci dessous est un exemple très parlant et représentatif de comment évolue le CO2 dans une pièce “dortoir” qui implique une forte occupation et un renouvellement de l’air quasi nul.
Lorsque les enfants rentrent dans la pièce et commencent la sieste, la concentration en CO2 est de 550 ppm (un taux de CO2 très faible et normal). La concentration en CO2 augmente ensuite presque linéairement sur une durée d’1h30 avant d’atteindre un moment de stagnation en fin de sieste lorsque les enfants se réveillent tour à tour et quittent la pièce. Enfin, la pièce devient inoccupée et la teneur en CO2 diminue très rapidement aidée par une aération manuelle (porte ou fenêtre ouverte par exemple).
En chiffres :
La courbe ci dessous démontre l’efficacité du système de ventilation dans le dortoir avec une concentration en CO2 qui ne dépasse pas le seuil de 800 ppm.
Ne pas dépasser 800 ppm durant toute la période de sieste est un réel challenge. Dans ce cas précis, le système de ventilation fait plafonner le taux de CO2 maximal à 750 ppm. Cela veut dire que le système VMC est correctement dimensionné avec un débit d’air en adéquation vis à vis de l’usage de la pièce.
Lorsque les enfants entrent dans la pièce, la teneur en CO2 est de 408 ppm, soit la concentration la quasi plus basse possible dans un environnement intérieur. La concentration en CO2 va ensuite augmenter progressivement pour arriver sur le plateau de 750 ppm en 45 min. Le CO2 diminue enfin doucement en fin de sieste lorsque la pièce n’est plus occupée.
En chiffres :
Nous entendons très bien que d’un point de vue sanitaire, le seuil recommandé va dans le sens de la prévention et de la préservation de la santé des enfants. Cependant, avec l’expérience que nous avons, Pour des pièces comme des dortoirs, il est aujourd’hui très complexe de réussir à ne pas dépasser ce seuil de 800 ppm. Sur la totalité des dortoirs sur lesquels nous avons effectué des mesures de taux de CO2 depuis 2014, 95% des dortoirs ont dépassé à minima 1 fois le seuil de 800 ppm de Dioxyde de Carbone CO2 sur une semaine de mesures.
Voici trois cas concrets d’évolution du taux de CO2 dans des dortoirs dans lesquels le seuil de 800 ppm de CO2 est dépassé en quelques minutes suite à l’arrivée des enfants dans la pièce.
Les dortoirs qui réussissent à ne pas dépasser le seuil de 800 ppm sont très rares, et sont ceux équipés avec des VMC très performantes et des taux d’occupation faible. Ces deux éléments sont malheureusement un “luxe” qui n’est pas envisageable pour beaucoup d’établissements sur des échéances courtes à moyennes et dans des budgets raisonnables.
Dans les bâtiments neufs, il est important d’intégrer dès la phase de conception la mise en place de système de ventilation dans les pièces qui vont accueillir des enfants plusieurs heures chaque jour de la semaine.
Ce système doit être impérativement dimensionnée pour assurer un renouvellement d’air suffisant, une préservation du confort thermique et ne pas dégrader le confort acoustique. Comme montré dans l’exemple numéro 2, c’est tout à fait réalisable. Ensuite, durant la phase d’exploitation du bâtiment, il est primordial de veiller à la maintenance et à l’entretien des systèmes de ventilation et d’aération pour garantir leur bon fonctionnement.
Tips : pour contrôler qu’un système de ventilation fonctionne, il vous suffit de prendre une feuille de papier toilette ou une feuille d'essuie-tout. mettez la feuille devant la bouche d'extraction de la ventilation. Si la feuille se colle à la grille, c'est que le système de ventilation l'aspire et est opérationnel. Si ce n’est pas le cas, le système ne fonctionne pas. Pour les bouches de soufflage dans le cas de systèmes doubles flux, le principe est le même sauf que la feuille doit être repoussée. Ce test n’a pas vocation a mesurer les débits d’air, cela peut faire l’objet de mesures complémentaires réalisées par un prestataire externe.
Concernant l’aération avec l’ouverture des fenêtres, cela n’est pas envisageable durant la sieste. Le mieux étant d’aérer très brièvement avant l’arrivée des enfants dans l’objectif que la sieste débute avec une teneur en CO2 la plus faible possible. A noter, un courant d’air très bref et traversant est toujours mieux qu’une faible aération durant plusieurs heures (notamment pour préserver le confort thermique).
Il est important de veiller au bon détalonnage des portes. Cela permet d’augmenter la circulation de l’air naturellement lorsque la porte doit rester fermée durant la sieste. Le détalonnage consiste à raccourcir le bas des portes de quelques centimètres (point d’attention, ne pas appliquer sur les portes coupe-feu).
Certains fabricants indiquent d’installer un purificateur d’air, certains disent même que cela est obligatoire. Attention : cela est mensonger et totalement faux à la date de rédaction de cet article. Il est primordial de bien comprendre qu’un purificateur d’air n’a absolument aucune action sur le renouvellement de l’air et sur la teneur en CO2. Lorsque leurs entretiens sont rigoureux, les technologies filtrantes HEPA et à charbon actif sont efficaces pour piéger les aérosols et polluants. Capter le CO2 ne signifie pas améliorer le confinement, comme nous l’avons vu c’est un indicateur permettant d’ajuster le renouvèlement de l’air. En éliminant le CO2, on enlève tout simplement cet indication, pourtant indispensable. De plus, dans un dortoir, le bruit généré par un purificateur d’air peut s’avéré très dérangeant.
Notre conseil : soyez vigilant face à des promesses commerciales et marketing souvent trompeuse. La santé des personnes les plus sensibles passe avant tout.
Pour finir, nous avons vu que ne pas dépasser le seuil de 800 ppm de Dioxyde de Carbone CO2 dans des pièces comme des dortoirs est un réel challenge. Les recommandations d’ouvrir une fenêtre ou une porte ne peuvent pas être appliquées lorsque les enfants sont présents. Il y a de ce fait deux paramètres sur lesquels il est nécessaire d’agir : Augmenter la circulation d’air et donc le renouvellement grâce aux systèmes de ventilation et aménager le taux d’occupation.
Crédit photo : minnie zhou